On the Lions' Territory

L'odeur féline, mêlée de celle de la puanteur fétide de la transpiration, preuve que la Meute ne chômait pas ces temps-ci, te parvint une bonne trentaine de secondes avant l'apparition du fauve. Il te barrais la route, l'air froid et hautain. Il te rappelait les deux lions qui t'avaient si longtemps traité comme un moins que rien, avant que tu ne te rebelles en compagnie des autres Omégas et que tu ne finisse par les tuer. Ces lâches t'avaient supplié, dans leurs derniers instants. Cette faiblesse t'avait dégoûté au plus haut point.

« Tu es venu faire quoi ici... Cher loup ? » ironisait avec dédain le lion.

Il était plus jeune que toi. Environ six mois de moins. Six mois d’expériences dans la vie, dans le combat, qui t'avantageaient. A l'époque où tu avais aidé la Meute, il ne devait être qu'un petit apprenti. Cela faisait déjà plus d'un an que tout cela avait eut lieu. T'étais-tu battu aux côtés de ce félin-là ? Sans un mot, tu contournais le lion et continuais ta route, sans une once d'émotion, sans la moindre hésitation. Mais, alors que tu frôlais de ton pelage celui du lion, tu lâchais d'un ton glacial comme un mistral d'hiver :

« Revoir d'anciens alliés. »

Tu continuais ton chemin, laissant là ce lion qui sans doute ne saurait pas qui tu étais. Peut-être le mot Omégas lui dirait-il quelque chose ? Ou bien, il avait peut-être été un solitaire dans ce temps-là. Tu te demandais si l'Alpha que tu avais connut était encore à ce titre. Sans doute te reconnaîtrait-il, lui. Après tout, tu avais été le chef de la bande des Omégas.

Le lion se mit en marche à tes côtés. Ses pattes produisaient un bruit feutré, les brindilles et les herbes craquaient sous son poids. Son souffle profond, lent et régulier, retentissait à des kilomètres à la ronde, te semblait-il. A côté de lui, tu glissais sur le sol telle une ombre, comme coupé de son monde. Pourquoi fallait-il que ce fauve vienne avec toi ? Ne voyait-il pas à quel point tu aimais ta solitude et le silence qui l'accompagnait ?

« Je me nommes Gaehos. Et toi ? »

Silence. Tu ne prend pas la peine de répondre à ce lion qui ne cesse de faire du boucan. Tu suis un sentier invisible, virant de ci-de là entre les arbres. Peu t'importent les épines et le sol inégal. Tu es comme invisible dans ce décor.

« Il y a une personne en particulier que tu es venu voir ? »

Tu bandes tes muscles, furieux de te voir ainsi privé de ta solitude si chère. Tu vires brusquement vers la droite, pour bondir par dessus un roc et contourner un buisson épineux, avant de te glisser en silence sur une pente raide qui remontait de la même façon de l'autre côté, creusant au passage un long sillon de roche. Quelques petits cailloux roulent au bas de celle-ci sur ton passage, mais tu t'en soucis peu et commence à descendre avec souplesse, prenant appui avec tant de précision et de fluidité dans tes mouvements que tu semble flotter au dessus du sol. Tu te souviens de cet endroit. Tu l'avais traversé lorsque tu t'étais rendu à la bataille des Omégas aux côtés des ennemis. Tu pus constater, non sans satisfaction, que tes déplacements, même sur des terrains aussi hostiles que cette pente si raide et broussailleuse, étaient plus silencieux encore. Dans les derniers mètres, tu bondis. Ce bond formidable, comme s'il t'était poussé des ailes, te porta jusqu'à la pente opposée, où tu t'agrippais en coinçant tes griffes émoussées dans un défaut de la roche. Un nouveau bond, et te voilà au bas des deux pentes. Ta truffe frémit. Les lions ne devaient pas passer souvent par ici, car la trace éventée que tu sentais était celle que portait le vent. En y repensant, il est vrai que l'accès jusqu'ici n'était pas de tout repos, et un lion, bien plus massif et privé de la souplesse, de la vivacité et de l'agilité des loups, aurait bien du mal à venir. De plus, le fond de ce sillon était très étroit. Tu levais les yeux vers le lion qui te suivait depuis si longtemps.

« Kodoku. Ancien chef des Omégas. »

Ta voix était neutre, mais aussi claire et déterminée que l'eau d'un ruisseau. Une brise fraîche vint faire danser ton pelage d'ébène, le transformant en flammes noires. Tu yeux ambrés cillèrent, et tu bondis en avant. Sans un regard vers le lion, tu lançais :

« Essai donc de me suivre, si tu veux savoir qui je suis. »

Tu savais que les lions étaient très peu endurants, comparés aux loups. Et, de plus est, tu étais un loup spécialement endurant et rapide. Ce qui fait que tu n'aurais aucun mal à semer le grand fauve. Tu courus au fond du sillon un bon moment, avant de bondir soudainement sur la pente opposée à celle où se trouvait celui-ci. En quelques bonds, te voici en haut, à repartir dans ta course, bondissant pour éviter les obstacles, faisant des détours, rampant sous des buissons touffus comme si tu connaissais parfaitement ce territoire. Tu humais l'air. La trace de ce lion, Gaehos donc, était encore présente. Te suivait-il donc encore ? Ou bien était-il juste passé par ici très récemment ? Tu bondis dans un ruisseau assez large, et remontais le courant afin de lui faire perdre ta piste, sans tout à fait lui faire perdre ta trace puisque tu te frottais à un buisson épineux qui poussait à ras de l'eau afin d'y laisser quelques poils. Tu remontais le courant en bondissant, imitant sans aucun problème le bruit de l'eau ricochant sur les rocs, avant d'en sortir dans un coin où les odeurs de plantes étaient particulièrement fortes. Tu remuais le fond sablonneux du ruisseau afin que la boue, emportée par le courant, redescende jusqu'à l'endroit où tu étais entré dans l'eau, pour laisser une trace supplémentaire. Tu voulais tester ce jeune lion, voir si la Meute comptait toujours de valeureux éléments. Il n'était pas bien plus jeune que toi, mais lui n'avait pas vécut durant toute sa vie la rude vie de solitaire haït des siens et n'avait pas été le larbin d'un groupe sans pitié.

Tu te glissais donc sur la berge et disparaissait tel un fantôme dans les profondeurs de la forêt, utilisant milles ruses pour berner le lion, tout en laissant quelques indices pour tester son intelligence. Au bout d'une bonne demi-heure de tours et de détours, tu atteins les Grands Rochers. Tu bondis sur le plus grand d'entre eux et t'assis fièrement, scrutant l'orée de la forêt en quête du pelage doré du lion. Tu n'étais qu'une silhouette noire ébène sur l'éclatante blancheur des rochers, qui attendait, patiemment et noblement, quelque chose qui peut-être ne viendrait jamais.  

Ton pelage noir attirait les chauds rayons du soleil. La chaleur montait vite. Mais tu ne haletais pas, tu n’entrouvrais pas la gueule pour réguler ta température. Tu conservais cette immobilité de statue. Bien heureusement, au milieu de l'étendue blanche éclatante des Grands Rochers, les rayons solaires étaient pour la plupart renvoyés vers le ciel où de sombres nuages menaçaient désormais, ce qui rendait à ce lieu, et notamment à toi, un aspect irréel. Ainsi nimbé d'une angélique blancheur, tu attendais.
Le lion vint enfin. Il arriva en courant d'un pas lourd, pesant, celui d'un fauve épuisé. Tu ne fus pas surpris, tu n'es jamais surpris, toi, Kodoku le solitaire. Il se laissait tomber au pied des premiers rocs, dans leur ombre, pour souffler un peu. Tu n'avais qu'aperçut du coin de l’œil tout cela. Mais tes oreilles t'avaient suffit à retracer toute la scène.

« Voilà, tu ne m'échapperas pas comme cela mon jeune ami ! »

Aucun mouvement. Aucune réaction de ta part. Ton regard fixe toujours quelque chose d'invisible, droit devant toi. Tu ne tourne pas ton regard ambré vers le félin. C'est d'une voix froide comme une brise d'hiver, si calme et calculatrice qu'elle en devenait effrayante, que tu prononçais ces quelques paroles :

« Le soleil a eut le temps de glisser vers l'Ouest. Depuis son zénith, je t'attend ici, grand Lion. Les traces que j'ai laissé étaient-elles donc si bien dissimulées ? »

Un éclair illumina alors ta silhouette sombre, comme pour ponctuer tes paroles. Il fut aussitôt suivit d'un retentissant éclat de tonnerre, et la pluie se mit à tomber violemment. Ce fut l'un de ces orages qui apparaissent brusquement, qui recouvrent le ciel de nuages noirs en seulement quelques secondes. Ta silhouette se glissait, sans prêter attention à l'orage et à la pluie qui tombait de plus en plus fort, en bas du rocher où tu te trouvais, et entamais son avancée furtive, tout en souplesse, si silencieuse, parmi les Grands Rochers, jusqu'au Lion. Tu bondis à ses côtés, et te réceptionnais du haut d'un rocher relativement grand comme si sa hauteur n'avait pas été plus grande que celle d'un petit tronc d'arbre abattu. Tu toisais un instant Gaehos, avant te t'éloigner sans mot dire, la tête et la queue hautes cependant. D'un regard en arrière, accentué d'un battement de queue, tu invitais le lion à marcher à tes côtés. Il répondait à tes espérances. En tant que jeune protecteur, supposais-tu avec raison, il était assez doué. C'est pourquoi tu acceptais sa compagnie.

Le lion marcha à tes côtés. L'odeur d'un cerf mâle, assez jeune, te parvins, ainsi que le bruit de ses pas précipités, dans sa hâte de s'abriter de l'orage, mais aussi des deux prédateurs que vous étiez. Tu redresses les oreilles, prêt à le prendre en chasse le moment venu : tu te trouves avec l'un des membres de la Meute, donc plus rien ne t'interdit de chasser, tant que tu partages avec celui-ci, et que tu le laisse emporter les restes pour les siens s'il le souhaite. Mais le lion bondit, trop tôt, trop lent, trop lourd, et le cerf détale aussitôt. Même s'il était protecteur et non chasseur, il y avait des limites à la maladresse !

« Oui, elles étaient très bien dissimulées. » Peut-être pour lui. Il ne devait pas être excellent pisteur, car tu avais laissé des traces plutôt apparentes, et un chasseur, même tout jeune, n'aurait eut aucun mal à les suivre. « Mais, dis, devrait-on trouver un endroit où s'abriter ? »

Apparemment, il n'était pas non plus très doué en observation. Il était évident que ce n'était qu'un petit orage sans gravité, qui se finirait aussi vite qu'il avait commencé.

« Va t'abriter si tu veux. Moi, je continue. » Tu lèves les yeux vers le ciel. « Le soleil nous sèchera bientôt. Les nuages vont se dissiper, la tempête prendra fin. Les proies ressortiront de leurs abris, et seront distraites par le bruit des gouttes qui tombent des arbres. Les poissons remonteront à la surface. Nous n'aurons qu'à tendre la patte pour les attraper. »

Tu secoues ton pelage trempé. Les orages comme celui-ci sont des cadeaux de vos ancêtres. Tu avais eut tout le temps de l'apprendre, lorsque tu devait chasser pour la Troupe, et que tu dormais dehors par temps de pluie, car il n'y avait pas assez de place dans les grottes et les tanières. Récemment, tu t'étais aperçu que les orages étaient de plus en plus fréquents. Et, comme si tu avais prédit l'avenir, les nuages se dissipèrent alors, laissant apparaître le chaud soleil. Tu jetais un regard au lion et t'élançais dans une course souple, légère, et lente. Tes sens étaient en alerte, près à repérer la moindre proie. Tu suivis le cours d'un ruisseau, où quelques petits poissons bondissaient, se pressaient à la surface pour manger les insectes qui étaient tombés, déséquilibrés par des gouttes de pluie. Tu t'arrêtais et donnais un vif coup de patte dans l'eau, et trois beaux poissons jaillirent, assommés. Tu t'étendis dans l'herbe trempée, et lançais l'une de tes prises à Gaehos. Tu avalais la tienne en quelques bouchées avant de bondir dans un direction bien précise, le dernier poisson à la gueule : vers le camp de la Meute.

« Merci pour ce poisson, il était très bon. De plus tu pêches vraiment très bien. Mais bon, c'est normal vu que tu es un loup. »

Le lion rugit. Il se lécha le museau, lorsque soudain, il disparut de ton champ de vision. Il faut dire que tu aurais trouvé cela comique si tu n'étais pas si sérieux. Le lion remonta difficilement, l'air encore surpris et curieux.

« Tu sais d'où proviens ce trou ?! Il n'était pas là avant ! »

Le lion reprit sa marche, sans s’apercevoir que tu ne le suivais pas. S'il étais juste intrigué par ce mystérieux trou sortit de nul part assez grand pour coincer un Lion, tu savais que quelque chose clochais ; cette infime trace d'inquiétude se mua en angoisse lorsque tu compris de quoi il retournait. Tu bondis vers Gaehos et lui bloquais le passage.

« Caches-toi entre ces rochers, et ne bouges que si je t'appelles, quoi qu'il arrive. Dès que tu y es, rugis aussi fort que tu le peux, comme si tu voulais me tuer. » ordonnais-tu en lui désignant d'un signe de tête deux énormes rochers non loin.

Tu te plaçais plus loin encore que les deux rochers, humant l'air avec insistance, et tentant aussi bien que mal de t'imprégner d'une odeur de peur. Lorsqu'un rugissement terrifiant retentis, tu partis en courant aussi vite et aussi bruyamment que tu le pus, poussant des cris plaintifs. Tu fonçais droit vers le trou, et bondis dedans. Tu l'atteins en souplesse, mais en faisant autant de bruit que possible, et en poussant un cri de douleur. Tu te mis à courir le long des parois, poussant des hurlements plaintifs. Tu savais que tu ne pourrais pas sortir de là : tes griffes émoussées ne te le permettaient pas. Mais, si ton plan tournais mal, Gaehos pourrait toujours t'aider.

Cependant, au bout d'à peine une dizaine de minutes, un bruit de course retentit et l'odeur de quelques solitaires te prit à la gorge. Tes cris redoublaient de terreur. Tu aperçus trois tigres mâles se dresser en haut du trou et te regarder. Tu te tapissais dans le coin opposé du trou, forçant l'odeur de ta peur à se faire plus forte, alors qu'en réalité ta terreur était inexistante.

« Regardez les gars, on a choppé un louveteau ! » se moqua l'un des tigres.

Un second bondis au bas du trou, et s'approcha de moi avant de m'immobiliser d'une patte au niveau de la gorge. Il montra les crocs.

« Qu'est-ce que tu fous là, le loup ? » grogna t-il.

Tu te tapis plus encore contre le sol, tout tremblant, et jetais des regards tout autour de moi, l’œil terrifié.

« Je... Un lion m'a... poursuivit et je... Je suis tombé... »

Les tigres se mirent à murmurer entre eux. Ils ne pensaient pas que tu avais l’ouille si fine, et tu pus entendre ce qu'ils disaient. Ils parlaient de guerre, de meurtre et de plan. Tu compris qu'ils voulaient faire prisonnier des lions, et des animaux de chacune des autres Meutes afin de les tuer pour déclencher une guerre. Tu n'en compris pas la raison, mais tu savais que ça n'avait rien de chaleureux... Le tigre t'ayant relâché, tu bondis soudain vers lui et avant qu'il n'ai pût réagir, le mordais furieusement à la gorge. Tes crocs transpercèrent la peau délicate, et le sang coula. Le tigre eut le temps de tenter une attaque, une seule, que tu esquivais sans mal, avant de s'écrouler. Les deux autres bondirent à leur tour, mais le trou était trop petit pour que deux tigres puissent se mouvoir normalement. Tu n'eus aucun mal à passer sous le ventre de l'un d'entre eux, et de le mordre sans pitié, avant de t'acharner sur la patte de l'autre. Tu sentis une griffure à la cuisse, et évitais de justesse une morsure dirigée vers ta gorge, avant de passer sous le ventre du premier tigre pour le renverser et marteler son ventre de coups. Lorsque le second dirigea une morsure vers ta nuque, tu attendis le dernier moment pour bondir sur le côté ; les crocs effilés se refermèrent sur la gorge du tigre. Chamboulé d'avoir tué son propre allié, le tigre marqua une hésitation... Qui lui fut fatale. Tes crocs se refermèrent sur sa gorge, et il s'écroula lui aussi. Le pelage souillé par le sang, sans le moindre remord pour ces trois morts que tu avais causé, tu t'asseyais au milieu des trois cadavres et poussais un hurlement pour appeler Gaehos. Une fois de plus, tu avais aidé la Meute à se sauver d'une guerre. Mais cette fois, tu avais aussi aidé toutes les autres, et personne n'en saurait rien, si ce n'est le protecteur. Et ce serait sans doute mieux comme ça.

« Très bien joué le loup, mais pourquoi tu as fait ma tâche, que je suis supposé faire dans cette meute ?! Mais merci, cher loup, d'avoir fait cela. Dorénavant ont pourrais le faire a deux, non ? »

Le lion se dressait en haut du trou. Il t'observait, l'air de rien, et tu ne pus t'empêcher de lui trouver ce petit air bêta de celui qui ne comprend pas que tu es coincé. A moins de vouloir faire de l'escalade sur des corps de tigre, tu n'avais que lui pour te sortir de ce fichu piège dans lequel tu t'étais toi-même fourré. Il tournait autour du trou, secouait sa crinière et cherchait d'autres traces d'intrusion, mais tu savais bien que tous les tigres étaient ces cadavres qui s'étendaient à tes pattes. Tu es un solitaire : tuer est ta nature. Dans la solitude, la mort est la seule amie que l'on puisse côtoyer. Si tu es prince de la solitude, alors la mort est ta princesse, ta reine tant chérie. Celle que tu aimes, dont tu n'as nulle crainte, celle pour qui tu te bat. Mais, tu sais bien que la mort est une redoutable amie. Elle te prend quelques êtres chers, et un jour c'est toi qu'elle entraînera. Mais, tu ne crains aucunement cet instant : ton seul regret sera de ne plus être auprès de Kaya, la seule que tu chéris plus encore que la mort, que la solitude. Mais elle te comprend, et elle te veut solitaire, car elle sait que tu ne pourrais vivre avec sa Meute.

« Tu connais le Lieutenant de cette Meute ? »

Le Lion bondit sur un tronc d'arbre et y fit ses griffes, sans ce soucier de toi au fond du trou. Tu secouais la tête en soupirant, avant de lui lancer froidement :

« Aides-moi à sortir de ce trou au lieu de dire pareilles sottises. Et à l'époque où j'ai combattu à vos côtés, le lieutenant venait apparemment tout juste d'être nommé à ce poste. Je crois qu'il se nommait Konan. Il m'a parut être un félin noble et plein de bon sens. »

Tu te secouais, et prenais ton élan pour bondir sur l'une des "parois" du trou. Glissant une de tes pattes arrières dans une petite cavité, tu parvins à hisser tes pattes avant jusqu'au bord du trou, mais sans pouvoir te hisser. Tes pattes avant tentant de trouver une prise tandis que celles arrières grattaient furieusement la paroi en quête d'un appui. Il te fallait au mieux réussir à te maintenir ainsi jusqu'à ce que le lion te tende quelque chose à mordre pour te hisser, ou ne t'offre un autre appui.

Le lion m'aida à sortir du trou, mais visiblement n'était pas ravi de ma réponse. S'il l'avait mal prit, ce n'était pas ma faute, et je m'en moquais à vrai dire. Je n'étais pas le genre de loup à bichonner les autres, à m'excuser pour un rien et à regretter mes paroles parce qu'un autre n'en avait pas saisit le sens.

« Voilà, tu es sorti. »

Je m'ébrouai avant d’apercevoir du coin de l’œil le lion qui, après avoir secoué sa crinière avec à n'en pas douté une pointe d'orgueil ou d'énervement dans ce geste, bondit devant moi pour s'allonger lourdement sur une souche. Me souvenant du poisson que je tenais dans ma gueule avant la brutale découverte du piège, je m'avançais d'un pas vif et allongé vers le lieu où je l'avait laissé et le reprit dans ma gueule avant de jeter un regard au lion et, agitant les oreilles pour lui intimer de reprendre la marche avec moi, partir d'un pas déterminé et silencieux vers le camp, progressant dans ces sous-bois qui m'étaient peu connus à une vitesse étonnante. Lorsque j'en aperçut l'entrée principale, ce même passage où je quittais un camp souillé de sang il y a des années de cela, je décidai néanmoins de ne pas y entrer, et avant que le vent ne tourne et ne porte mon odeur jusqu'aux lions, je déposais le poisson bien en évidence. J'aurais bien eut envie de revoir l'Alpha de cette meute, ou Konan, le lieutenant. Mais débarquer en plein milieu d'un camp bondé n'était pas dans mes habitudes, moi qui était si solitaire et discret, moi l'ombre noire rôdant tel un spectre d'ébène.
Lorsque j’aperçus la fourre or et miel de Gaehos, et son pas lourd qui se voulait feutré, je le regardai droit dans les yeux, d'un regard insistant. Puis, sans un mot, avec simplement un battement de paupières, je me détournais et m'engouffrais dans un buisson, avec simplement un balancement de queue en signe d'au revoir. Ce jeune lion avait encore beaucoup à apprendre, mais nul ne pouvait douter qu'il ferait un bon protecteur lorsque la sagesse et l'expérience viendront s'ajouter à sa force et son énergie. Quand à moi, je me dirigeais vers la frontière d'un trot aérien, silencieux et léger, flottant au dessus du sol, coupant à travers les buissons et les ronces plutôt que de suivre les chemins. Je m'en retournais à ma solitude, ma si chère amie, si fidèle. Mon empire pour lequel ma vie s'éteindrait si jamais on venait à tenter de me l'arracher. Telle une ombre spectrale, je m'en allais vers une destination inconnue, seul, éternel solitaire.